La santé mentale est-elle devenue un business sur Instagram ? Analyse d’un phénomène à double tranchant sur les réseaux.

On scrolle, et on tombe sur un carrousel pastel. Une phrase bienveillante : « Tu as le droit de te reposer. » Puis une autre : « Les gens toxiques ne méritent pas ton énergie. » Et entre deux citations de Carl Jung, un lien vers une masterclass à 49 euros pour « apprendre à mieux poser ses limites ».
Nous vous souhaitons la bienvenue dans l’empire Instagram de la santé mentale. Un monde doux en apparence, mais où les frontières entre entraide, développement personnel et business flou s’effacent dangereusement.
Dans cet article :
Santé mentale : un sujet enfin visible ?
Pendant des années, la santé mentale était taboue, ringardisée, pathologisée. Parler de burn-out, d’anxiété, de dépression, c’était être fragile, malade ou marginal. Et Instagram, paradoxalement, a ouvert des portes.
Des comptes de psys, de patients, de coachs, de militants… ont rendu le sujet visible, populaire, accessible. Une génération a mis des mots sur ses maux. Et ça, c’est une avancée. Mais aujourd’hui, le problème n’est plus le silence. C’est l’instrumentalisation.
L’angoisse, le nouveau filon marketing
Selon une étude menée par Hootsuite en 2023, les hashtags liés à la santé mentale (type #anxieté, #traumahealing, #selfcare) cumulent plus de 2,4 milliards d’interactions sur Instagram. Et où il y a du clic, il y a du business.
Ainsi, nous avons observé une prolifération de comptes pseudo-thérapeutiques, avec des visuels léchés, des slogans calibrés pour l’algorithme, et toujours un produit derrière à vendre.
Par exemple, un book à 17 euros pour « libérer l’enfant intérieur », ou encore un accès VIP à un groupe « safe » sur Telegram, sans oublier les séances psy à distance, sans diplôme, mais avec promesse de « guérison holistique ». Ce n’est plus du partage. C’est devenu, pour certains (heureusement il y a encore de belles âmes) de la vente sous couvert d’empathie.
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Des coachs Instagram à la place des psys spécialisés pour la santé mentale ?
La ligne est de plus en plus floue. Sur Instagram, il est souvent plus facile de trouver une coach en « gestion des énergies émotionnelles » qu’un psychologue diplômé. Et beaucoup ne s’en cachent pas.
Ils « n’accompagnent pas des pathologies », mais proposent « un chemin de reconnexion à soi », « des outils pour guérir les blessures du passé », etc.
Le problème ? C’est que des gens en détresse remplacent une thérapie par un programme d’empouvoirement en ligne. Et que certaines dérives peuvent être graves : conseils inadaptés, culpabilisation, isolement, discours culpabilisants sur « l’attraction des pensées négatives ».
Une récupération dépolitisée du mal-être
Un autre danger, plus subtil, c’est la récupération idéologique de la souffrance. Les discours Instagram très « feel good » évacuent souvent les causes structurelles / sociétales comme la précarité, la surcharge mentale, ou encore l’isolement, la discrimination et le manque d’accès aux soins.
À la place, on nous parle d’énergie, de vibrations, de « responsabilité émotionnelle ». Comme si l’anxiété n’était qu’un mauvais mindset, comme si le burn-out était « un manque de clarté dans ses objectifs de vie ».
C’est séduisant mais c’est souvent une manière de dépolitiser le mal-être. De faire croire que tout se joue dans la tête et que rien n’est du fait de l’environnement social par exemple.
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Tout n’est pas à jeter (heureusement)
Ce serait injuste de tout mettre dans le même sac. Il existe sur Instagram des comptes tenus par des psychologues sérieux, des patients militants, des personnes formées, lucides, transparentes sur leurs limites. Ils apportent des ressources, de la légitimation, de l’information. Et parfois, ils sauvent des vies.
Le problème, c’est l’absence de régulation. N’importe qui peut se revendiquer « expert en trauma » ou « guide spirituel pour HPI anxieux », sans contrôle. Et l’algorithme, lui, ne fait pas la différence entre l’utile et le toxique. Il favorise juste ce qui retient l’attention. Il faut donc rester critique sur ce que l’on voit sur les réseaux.
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