La question du salaire à vie revient souvent sur la table en France, mais est-ce que cela est faisable et quel intérêt ?

Le salaire à vie, idée révolutionnaire pour les uns, utopie coûteuse pour les autres. Et si la France franchissait le cap ? Ce système, défendu par l’économiste Bernard Friot, garantirait un revenu fixe à tous, de la majorité à la retraite. Plus de chômage, plus de précarité, une sécurité totale. Mais à quel prix ?
NB : nous vous mettons plusieurs vidéos dans l’article. Vous êtes donc invités à les regarder pour approfondir le sujet.
Un revenu garanti pour tous : que signifirait un « salaire à vie » ?
Le principe est simple : chaque citoyen reçoit un salaire, qu’il travaille ou non. Ce n’est pas un revenu de base, mais bien un salaire, attribué en fonction d’une reconnaissance de compétences et non d’un emploi.
L’idée ? Sortir du chantage à l’emploi et redonner le pouvoir aux travailleurs. Finis les petits boulots sous-payés et les contrats précaires : chacun pourrait se consacrer pleinement à une activité qui fait sens.
L’économiste et sociologue Bernard Friot est à l’origine de cette proposition radicale. Selon lui, le travail ne devrait plus être conditionné par le marché, mais reconnu comme un droit inaliénable. Il s’appuie sur l’exemple du système des retraites en France, où les retraités continuent de percevoir un revenu sans être soumis à l’emploi. Pourquoi ne pas étendre ce principe à toute la population active ?
Aujourd’hui, en France, près de 9 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté, soit avec moins de 1 158 euros par mois. Le salaire à vie permettrait d’éradiquer cette misère économique, tout en assurant une répartition plus équitable des richesses. Ce dispositif garantirait également une protection sociale renforcée et réduirait les inégalités en matière d’accès aux biens et services essentiels. Mais comment financer un tel système ?
Notez qu’il existe une variante aussi appelé le « revenu de base » qui consisterait à verser une somme à chaque Français sans condition. En général, les personnes qui évoquent cette mesure préconisent de donner environ 800 euros aux adultes et 400 euros aux enfants.
Une révolution financière, ou pas ?
Les défenseurs du projet proposent de socialiser les revenus. Concrètement, les entreprises verseraient une cotisation à une caisse nationale, qui redistribuerait les salaires. Un modèle inspiré de la Sécurité sociale, où les retraites sont déjà financées collectivement. Ce serait la fin des salaires fixés par les employeurs et la mise en place d’une grille nationale des rémunérations, garantissant à chacun un niveau de vie décent.
Bernard Friot estime que la valeur économique est créée par le travail collectif et non par les actionnaires ou les patrons. Dans sa vision, les entreprises ne seraient plus privées, mais appartiendraient collectivement aux travailleurs. Les revenus ne seraient plus liés aux profits, mais à une reconnaissance de l’utilité sociale de chaque individu.
Le salaire serait ainsi un droit politique et non un revenu de marché.
Le coût ? Entre 1 000 et 1 800 milliards d’euros par an selon les estimations. Une somme colossale, mais qui pourrait être compensée par la suppression des aides sociales, du chômage et des dispositifs d’insertion. Sans oublier les gains sur la consommation et la stabilité économique.
Une société où chacun dispose d’un revenu garanti verrait une augmentation du pouvoir d’achat et une relance de la demande, moteur de la croissance. Certains économistes avancent aussi que la suppression des écarts salariaux extrêmes pourrait conduire à une économie plus solidaire et résiliente.
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Salaire à vie : une utopie réalisable ?
Certains pays testent déjà des formes de revenu universel. En Finlande, une expérience menée entre 2017 et 2019 a montré une légère amélioration du bien-être des bénéficiaires, sans impact significatif sur l’emploi.
En Espagne, des régions comme la Catalogne explorent également cette voie, en développant des programmes de revenu minimum garanti. Aux États-Unis, certaines villes expérimentent un revenu de base financé par des taxes locales et des initiatives privées.
En France, l’idée reste marginale. Les syndicats sont divisés, les partis politiques prudents. Emmanuel Macron a déjà rejeté le revenu universel proposé par Benoît Hamon en 2017.
Pourtant, face à une inflation galopante (4,9 % en 2023) et à une précarité croissante, l’heure du débat semble venue. De plus, la robotisation et l’intelligence artificielle transforment le marché du travail, rendant de nombreux emplois obsolètes.
Le salaire à vie pourrait alors apparaître comme une réponse à cette mutation. Dans un contexte où l’automatisation réduit le besoin de main-d’œuvre, assurer un revenu fixe pourrait éviter une explosion des inégalités et garantir une transition économique plus juste.
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La seule solution pour émanciper les travailleurs ?
Les partisans du salaire à vie l’assurent : c’est la seule solution pour émanciper les travailleurs. Plus besoin de mendier un emploi, plus d’exploitation, une sécurité totale. Avec un revenu garanti, les individus seraient libres de choisir leur activité et d’innover sans crainte du lendemain.
Certains y voient même un moteur pour la création artistique, scientifique et entrepreneuriale. En favorisant un modèle où chacun peut s’épanouir selon ses compétences et ses aspirations, le travail retrouverait du sens et ne serait plus une simple contrainte économique.
Ses opposants, eux, redoutent un effet pervers : une baisse de la productivité, un effondrement de l’investissement, voire une fuite des entreprises. Les patrons refuseraient-ils de cotiser pour un système qui leur retire le pouvoir de fixation des salaires ?
D’autres craignent un nivellement par le bas des compétences, si le travail cesse d’être un moteur d’évolution sociale. Certains économistes alertent également sur un risque inflationniste si la consommation augmente sans une production adaptée.
Bernard Friot et ses partisans répondent à ces critiques en affirmant que l’émancipation économique ne mènerait pas à la paresse, mais à une société où chacun pourrait s’engager dans une activité choisie et valorisée collectivement. Le travail ne disparaîtrait pas, il serait simplement libéré de la contrainte de la rentabilité à court terme.
La France est-elle prête à sauter le pas ? Pas encore. Mais avec la montée des inégalités, la crise du modèle capitaliste et la transformation du marché du travail, l’idée pourrait bien faire son chemin. Dans un monde où la précarité et l’insécurité économique deviennent la norme, le salaire à vie pourrait apparaître non plus comme une utopie, mais comme une nécessité. Et vous, que pensez-vous du salaire à vie ?
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