Malgré une bonne santé économique, le BTP est freiné par un manque cruel de main-d’œuvre. Voici pourquoi… et comment y remédier durablement.

Alors que les perspectives économiques du bâtiment restent solides, une tension majeure grippe le secteur : le manque criant de main-d’œuvre qualifiée. En pleine transition énergétique, avec des objectifs ambitieux de rénovation et un volume de chantiers qui reste élevé, les entreprises peinent à recruter. Entre image ternie, désintérêt de gen Z, conditions de travail jugées difficiles, et manque de formations adaptées, la filière se retrouve dans une impasse. Pourtant, les solutions existent. Zoom sur un paradoxe français qui pourrait ralentir un secteur pourtant vital pour l’avenir.
Dans cet article :
Le BTP : un moteur économique sous pression
L’année 2024 a été contrastée pour les artisans du bâtiment. Si la construction neuve a reculé de 2,3 %, la rénovation est restée stable (+0,1 %), portée par les enjeux environnementaux. Malgré ce ralentissement, 9 artisans sur 10 se disent satisfaits de leur activité, et 80 % envisagent une stabilité ou une croissance en 2024.
Mais ce tableau est trompeur. En coulisses, la pénurie de main-d’œuvre s’aggrave. 89 % des entreprises du bâtiment affirment avoir du mal à recruter, dont 60 % qui qualifient la situation de « très difficile ». Et ce, alors que 51 % des entreprises cherchent activement à embaucher.
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Une attractivité en berne malgré des opportunités majeures
Le déficit d’attractivité des métiers du BTP ne date pas d’hier. Mais il devient aujourd’hui un frein structurel, qui pourrait faire dérailler la dynamique impulsée par la transition écologique. Pour bénéficier des aides à la rénovation énergétique, il est impératif de faire appel à des artisans RGE (Reconnu Garant de l’Environnement). Or, leur nombre diminue. Résultat : les ménages risquent de reporter leurs travaux ou de se tourner vers des professionnels non certifiés, au risque d’anéantir les efforts en matière d’efficacité énergétique.
Un manque de candidats et de qualifications
Selon une étude Ipsos-Episto, 54 % des artisans pointent le manque de candidatures, et 65 % estiment que les profils manquent de compétences. En parallèle, 28 % trouvent que les prétentions salariales sont déconnectées des réalités du terrain.
Une image à moderniser d’urgence
Le BTP souffre d’une image dépassée. Jugé physique, pénible, peu innovant, il attire peu les jeunes et encore moins les femmes. Pourtant, avec l’essor du BIM, de la construction hors site, ou des solutions bas carbone, les métiers évoluent. Il est temps de montrer que le BTP se réinvente, en valorisant ces nouveaux visages du bâtiment.
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Des enjeux environnementaux qui redéfinissent la donne
La prise de conscience écologique s’impose aussi dans le BTP. Selon l’enquête, 75 % des artisans jugent ces enjeux importants, et 81 % pensent qu’ils vont prendre encore plus de place d’ici cinq ans.
Le traitement des déchets de chantier arrive en tête des préoccupations, suivi de la composition des matériaux et de la consommation d’énergie. Mais cette transition nécessite un accompagnement renforcé : 92 % des artisans attendent un soutien clair de la part de leurs partenaires (distributeurs, marques, etc.).
Trois leviers pour fidéliser et attirer les talents
Le secteur ne manque pas de solutions. Pour surmonter cette crise de recrutement, plusieurs leviers s’avèrent efficaces.
1. Mieux rémunérer, sans mettre en péril l’entreprise
L’inflation, la hausse des charges et les prêts COVID pèsent sur les finances. Pourtant, revaloriser les salaires reste une clé essentielle pour conserver les meilleurs éléments. Des outils comme les tickets-restaurant, chèques vacances, ou une gestion fine des heures permettent d’offrir des avantages tout en maîtrisant les coûts.
2. Améliorer les conditions de travail
Les artisans ne veulent plus seulement d’un salaire décent. Ils recherchent aussi du sens, de la sécurité et un meilleur équilibre de vie. Entre équipements adaptés, semaine de 4 jours, organisation plus souple, et chantiers mieux préparés, les entreprises peuvent largement faire la différence.
3. Miser sur la formation continue et les promotions internes
Le besoin en compétences techniques est criant, notamment avec les nouvelles normes environnementales. Former les salariés, leur proposer des perspectives d’évolution ou intégrer les jeunes via l’alternance constitue un axe stratégique pour pallier la fuite vers l’auto-entrepreneuriat ou d’autres secteurs.
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Attirer les nouvelles générations : une question de posture
Redonner une image valorisante du secteur passe aussi par des actions concrètes.
- Aller au contact des jeunes dans les CFA, les lycées ou sur les réseaux sociaux.
- Démontrer les innovations du secteur : robotique, maquette numérique, préfabrication modulaire, etc.
- Mettre en avant des valeurs humaines : respect, égalité, inclusion.
- Proposer un parcours professionnel clair, dès l’entrée dans la vie active.
Certaines entreprises comme Mu Fangzi en Bretagne ou STME en Île-de-France montrent l’exemple avec des modèles managériaux modernes, axés sur la responsabilisation et le bien-être des équipes.
Une opportunité unique à ne pas manquer
Selon la Banque de France, les taux immobiliers commencent à reculer légèrement, redonnant un peu d’air au marché. Par ailleurs, 20 millions de logements sont à rénover d’ici 2050. Le gisement d’emplois est immense, les opportunités aussi.
Mais sans un virage clair vers la valorisation des métiers, la formation, et l’innovation, le BTP risque de passer à côté de cette chance historique.
Une transformation qui passe par une stratégie collective
Ce défi dépasse les seules entreprises. Il concerne aussi les pouvoirs publics, les organismes de formation, les syndicats et les fédérations professionnelles. À l’image de certains pays européens, la France doit s’attaquer à la sécurité de l’emploi, à la précarité saisonnière, et à la mobilité des parcours.
Créer un passeport professionnel recensant les compétences acquises, comme c’est déjà le cas au Royaume-Uni, permettrait de fluidifier les embauches et de mieux reconnaître les talents.
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Un commentaire
C’est ouf quand même d’un côté on se plein qu’il y a trop de chômage et en même temps des métiers essentiels ne trouvent pas de main d’œuvre. Et pendant ce temps là les jeunes rêvent de devenir influenceurs sur tiktok. Époque bizarre…